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J’apprends qu’il y a une forte possibilité que je puisse être la première Québécoise à couronner les 7 sommets, la conquête de la plus haute montagne de chaque continent. Il n'y a qu'une seule autre personne dans la course. Elle a 4 sommets à son actif. Son rythme semble être de faire une montagne par année. J'en ai 3 à mon actif, mais toutes faites en moins d'un an. Je suis convaincue que c'est la route que doit prendre mon destin. Je demande conseil à un ami qui à déjà fait les 7 sommets. Il m’encourage dans cette compétition. Au moment de partir pour ma quatrième montagne, j’apprends qu’elle a réussi sa cinquième montagne, la plus difficile des 7, l’Everest. Cela complique mon plan de match. Pour arriver à mon but il va falloir que je tente l’Everest à l'automne, lorsque les conditions de la réussite sont pour le moins peu favorables. Je risque de me retrouver seule et comme c'est la saison de la mousson, il devrait y avoir beaucoup de neige. Je n’abandonne pas l’idée et je réussis à ramasser les fonds nécessaires en vendant ma voiture et ma moto. Je veux tenter ma chance, je veux être la première . Je sens que ce défi est pour moi. Alors, après avoir réussi avec brio ma quatrième et cinquième montagne, je pars pour le Népal pour tenter l’Everest en octobre. Comme prévu, je suis pratiquement seule au camp de base.
Seulement une équipe de 3 personnes et moi. La météo est mauvaise durant tout le mois qui sert à l’acclimatation. Le temps est gris et ennuyant. Heureusement que j’ai apporté les livres de Mike Horn et que j’ai tout de même la connexion internet pour garder le moral . Si je réussis le sommet ça sera tout un exploit, vu toute cette neige qui s’accumule. Un soir, alors que je mangeais seule dans ma tente, je sens la terre trembler. Je ne comprends pas ce qui arrive. Je me dis que c'est une avalanche mais il fait trop noir pour voir quoique ce soit. Je m’agrippe à mon sherpa tellement j’ai peur. Nous comprenons alors que c'était un tremblement de terre . Je me précipite sur Internet et je découvre qu’effectivement un gros tremblement de terre vient de toucher une grande partie de l’Asie. Je suis stupéfaite et me prends songer que je serais probablement morte si nous avions été à un camp supérieur. C’est le temps de tenter d’aller plus haut sur la montagne. J’ai l’Everest à moi toute seule. Mais il est impossible d’aller plus haut que le camp 3 vu la densité de la neige. Il y a trop de risques d’avalanche et la tache risque d’être trop difficile considérant qu'il y a trop peu d'équipes sur la montagne. Avec d'immenses regrets sous devons abandonner l'idée d'atteindre le sommet. Je suis profondément déçue. Je n’arrive pas à lâcher prise. Je suis en pleurs, j'appelle ma meilleure amie. Je tente de mettre sur pied une plus grosse équipe, mais je dois me faire une raison et abandonner mon projet. J’ai du mal à accepter cet échec. Je ne comprends pas. J’ai pris tous les moyens pour réussir ce projet de "première québécoise". “Aide toi et le ciel t’aidera” comme on dit. Foutaise ! Je reviens vers la civilisation après 5 semaines de solitude . En rentrant dans la lodge je suis prise de vertige tellement il y a de monde et de bruit. Je ne veux voir personne, j’ai juste envie de pleurer, bûcher sur mon oreiller, exorciser tout que j’ai perdu dans cette expédition. Le lendemain, mon sherpa et moi revenons tranquillement vers la ville. Je sens l’ombre de mon rêve dans mon dos. Je suis si déçue, je n'arrive pas à me défaire de l'impression qu'il y a quelque chose d'incomplet en moi. Distraite et l'esprit ailleurs, je trébuche sur un caillou et tombe en plein face. Je viens de me fouler la cheville. Les vannes de mon émotion s'ouvrent : je pleure sans arrêt. Mon sherpa est désemparé devant ma douleur physique et émotionnelle. Nous devons revenir en ville en hélicoptère et sitôt arrivée c'est direction l’hôpital. Me voilà inapte ! Je reviens à Montréal en chaise roulante, ruinée suite à cet échec sur l’Everest mais surtout inconsolable d’avoir perdu toutes mes chances d’être la première Québécoise à faire les 7 sommets. Je passerai le mois de novembre au chalet, déprimée et immobilisée par ma cheville. J'avais déjà prévu la prochaine montagne en Antarctique. Pas d'annulation possible et à cause de ma foulure je dois reporter l'expédition d'un mois. C'est presque une circonstance heureuse car, un mois plus tôt, j’aurais été nez à nez avec ma compétitrice et probablement que cela aurait été un coup fatal de la voir terminer la couronne des 7 sommets. Félicitations pour elle, et merci à ma cheville quoi... Un mois plus tard que prévu, le jour de Noël, j’atteins le sommet du mont Vinson, la plus haute montagne du continent antarctique. Pendant la descente, je sens que mon "appétit de montagnes" et la fougue qui me dynamise sont bien revenus. Je sais et je sens au plus profond de mon être les raisons qui me poussent à fréquenter la montagne. J’irai bel et bien au bout de mon projet des 7 sommets. Au final, je vais réussir à couronner les 7 sommets en 32 mois ! Ce n'est pas seulement un record canadien, c'est alors aussi un record mondial. |
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