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j’ai décidé de grimper l’Everest pour la troisième fois en 18 mois. Cette fois je veux tenter le côté Nord et cela sans l’aide d’oxygène artificiel .
Je loue une tente hypobare pour deux mois qui m’aidera à m’acclimater avant de partir. Je mets mon matelas dans cette tente et je dors sous le bruit d’un Boeing 777 . Durant le week-end je transporte la tente au chalet par peur de perdre la progression de mon acclimatation. Je me lève à 4h30 du matin pour m’entraîner avant mon boulot de factrice. C’est l’hiver. Je livre le courrier avec des poids de 4 livres dans chaque cheville et je porte un masque qui limite mon oxygène . Cependant , j’abandonne vite le masque après plusieurs regards interrogatifs et même apeurés des gens que je rencontre. J’ai du mal à trouver tout le financement pour cette expédition. Un ami m’avance l’argent. J’obtiens un 2 mois de congé sans solde de mon employeur. Je fais beaucoup de recherche sur Internet à propos de l’alimentation et des suppléments qui vont favoriser mon acclimatation et mon ascension sans l’aide d’oxygène artificiel . Je discute avec mon guide du Népal pour qu'il m’offre un meilleur encadrement comme deux sherpas et une acclimatation plus élaborée . J’arrive au Tibet motivée et surtout confiante. J’apprends à connaître les membres de l’équipe. Je constate rapidement que nous formons une très mauvaise équipe... Heureusement j’ai mon ami Arvid avec qui je grimpe depuis un an et demi. On se soutient mutuellement . Déjà la première semaine je dois gérer plusieurs conflits avec les deux autres membres de l’équipe. Je rencontre Nigma, un sherpa qui à grimpé dix fois l’Everest dont deux fois sans oxygène. Je lui demande conseil. Sa douceur et sa gentillesse me touchent. Déjà 3 semaines que nous sommes en montagne. Mon guide m’annonce que je ne vais avoir qu'un seul sherpa au lieu des deux prévus. Je suis fâchée contre lui. De plus, l’acclimatation est la même pour moi que pour les autres. Je prends alors la décision d’abandonner mon projet de grimper sans l’aide d’oxygène artificiel. Il y a trop de facteurs contraires. Je ne le sens plus. Il faut dire que du côté nord, il n’y a pas de possibilité de secours par hélicoptère et il fait beaucoup plus froid que du côté sud. C’est trop risqué. On se rend au C4. Nous trouvons Nigma mort sur la corde fixe... J’enjambe sa tête en pleurant. Lui qui a tellement d’expérience. Que lui est-il arrivé ? Nous passons la soirée dans notre tente au C4. Je sens mon guide arrogant. Il insulte mon ami Arvid à plusieurs occasions. A un autre moment , Je l’entends se chicaner avec un des membres de l’équipe. Pour avoir fait plusieurs ascensions avec lui, je ne le reconnais plus. Nous partons pour le sommet vers 20h . A plusieurs reprises, il nous crie de nous dépêcher et que si nous ne sommes pas assez rapides il nous faudra retourner de bord. Je suis à bout de souffle. Pourquoi cette pression? Nous croisons plusieurs cadavres... Je sens perdre ma motivation . Le guide nous met toujours cette pression. À un moment il secoue la corde pour nous faire comprendre que nos pauses sont trop longues... Le soleil se lève. Je tente de rejoindre Arvid, mais aussitôt que j’arrive à lui il repart . Je ne sens plus son soutien. Le paysage est magnifique mais je suis écœurée. Je m’assoie à quelques mètres d’un cadavre avec mon sherpa. Il ne reste que 50 mètres jusqu’au sommet. Le guide passe devant moi et me suggère de redescendre afin d’avoir assez d’énergie pour la descente. Je me dis que j’ai déjà atteint le sommet et je décide de redescendre. Je descends au C4 et je demande l’heure à mon sherpa. Il n’est que midi. Quoi ? je lui demande. Mais j’avais alors amplement le temps d’atteindre le sommet... J’attends Arvid. Il a atteint le sommet à 7h et me dit que le guide a rencontré son frère au sommet qui arrivait par le sud. Voilà la raison de sa pression. Il avait donné rendez vous à son frère au sommet à 7h ! Je suis fâchée et déçue. Après tant d’investissement , d’efforts et de sacrifices, j'ai renoncé ... à 50 mètres seulement du sommet . Je sais que j'avais assez d’énergie pour y arriver mais je me suis laissée atteindre pas des éléments négatifs extérieurs . J’ai raté la possibilité d'être la première canadienne à avoir atteint les 2 versants de l’Everest et cela en seulement un an... à 50 mètres seulement d’un exploit que je méritais tant... moi qui était si bien préparée. Je devrais maintenant assumer ma regrettable décision et cela reste la partie la plus difficile de mon ascension... |
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